Évaluer Votre Main Lorsque la Turn fait Rentrer la Couleur
Le troisième carreau tant redouté fait partie des bêtes noires du débutant. Quand la troisième carte bleue fait son apparition, il ne voit plus qu’un océan de bleu et cette image peut se révéler puissante et dévorante. Statistiquement parlant, la logique a de bien plus grandes chances de tomber en miettes avec ce type de turn. Aujourd’hui, nous allons étudier quelques mains qui témoignent de la variation de force qui s’opère dans une main lorsque la turn donne une troisième ou une quatrième carte de la même couleur.
Main n°1 – Quand une top paire devient un mauvais bluff-catch
L’une des plus grosses failles dont font preuve les joueurs amateurs, c’est qu’ils instaurent des règles rigides qu’ils ne sont pas en mesure d’adapter à la texture du tableau. La texture de la turn est l’un des facteurs qui influencent le plus la façon dont vous devriez jouer votre range à la turn. Plus la carte est riche, plus elle est susceptible de vous connecter à la range du joueur qui a payé la mise au flop. En effet, sa range contient toutes les combinaisons de tirages tout en excluant les poubelles qui pourraient avoir été c-bet au flop par le relanceur pré-flop.
Dans la première main que nous allons étudier aujourd’hui, que j’ai (l’auteur de l’article) jouée à une table de NL100 ZOOM (blinds de 0,50 $/1,00 $), j’ouvre à 3 $ depuis la petite blind, et un adversaire inconnu 3-bet à 11 $. Je suis. Le flop dévoile A♥ 7♦ 5♥ et je procède au check de rigueur. Mon adversaire c-bet pour la moitié du pot, et je suis.
La turn est le 3♥ , et je checke à nouveau. L’adversaire mise une nouvelle fois la moitié du pot, et je me couche.

Cette main pourra sembler peu orthodoxe pour de nombreux novices, car ils se fixent des règles telles que :
« Ne jamais passer top paire face à une deuxième mise. »
Une telle règle peut se révéler dangereuse, car elle ne prend absolument pas en considération la texture du tableau. Ce troisième cœur est fantastique pour ma range. Quand bien même l’adversaire aurait c-bet le flop avec un grand nombre de mains aléatoires de type AcKc, ma range n’inclut aucune main de ce genre. Quand je paie un c-bet de la moitié du pot hors position, je suis orienté vers la top paire, les paires plus basses, les tirages couleurs et quelques mains de type tirage backdoor.
Le troisième cœur a pour effet de réorganiser la value des bluff-catch de ma range. Une main comme A♠ J♠ me servira désormais uniquement à contrer un bluff, car mon adversaire doit être très sélectif dans sa manière de jouer cette turn. Ici, en théorie, il effectuera une mise polarisée : il investira de l’argent avec des mains de value qui battent ma main, et il bluffera avec des mains que je bats. Ainsi, A♠ J♠ devance tous les bluffs et se fait détruire par n’importe quelle main de value. Ce n’est rien d’autre qu’un bluff-catch.
En réalité, cette main se situe plutôt dans la partie basse de ma range en ce qui concerne les bluff-catch avec lesquels il est rentable de suivre. Une modeste paire servie comme 10♣ 10♥ constitue dorénavant une meilleure alternative, car elle bat non seulement les mêmes bluffs que A♠ J♠ , mais elle peut également s’améliorer contre les mains de value de l’adversaire comme AK ou un brelan.
Avoir une paire plus basse avec un tirage est bien mieux qu’une paire plus haute qui ne sert qu’à contrer un bluff. De ce fait, passer A♠ J♠ n’est pas si ridicule une fois qu’on abandonne nos règles arbitraires.
Les mains les plus fortes ne sont pas nécessairement celles avec lesquelles il faut suivre lorsque la turn fait rentrer la couleur.
Main 2 – Transformer de mauvaises paires en bluff
Dans la main suivante, j’ouvre à 2,59 $ depuis le bouton avec A♠ 4♠ , et mon adversaire 3-bet à 12 $ depuis la grosse blind. Avec cette main c’est limite, mais suivre devrait se révéler légèrement rentable. Cela dit, ce ne serait pas un crime de 4-bet ou de passer.
Le flop est 10♦ 7♦ 5♠ et mon adversaire mise un tiers du pot. Dans ce genre de situation, les joueurs misent généralement avec une range très large, et contre une telle stratégie, je dois rester dans la main. Je pourrais relancer vu mon équité de backdoor et ma valeur médiocre à l’abattage, mais cette fois je décide de suivre. Si j’arrive à récupérer au moins 20 % du pot, ce call me rapportera un peu d’argent. Pour atteindre cet objectif, je compte sur une potentielle amélioration, ou sur un éventuel abandon de l’adversaire.
La turn est le 4♦ et on touche une petite paire. Cette main a suffisamment de valeur à l’abattage pour battre les mains où l’adversaire lâcherait l’affaire, voire en dominer pas mal, comme A♣ Q♠ . L’adversaire checke, chose qu’il fera souvent. Tout comme dans la main précédente, la carte de la couleur m’est plus utile qu’au joueur ayant suivi pré-flop, car j’ai filtré toutes mes poubelles en payant le c-bet au flop. J’ai plus de couleurs liées au reste de ma range que lui, notamment depuis que j’ai suivi le 3-bet avec un grand nombre de cartes assorties, tandis qu’il effectuait un 3-bet avec beaucoup de mains fortes mais dépareillées. J’ai passé une grande majorité de mes trèfles et de mes cœurs au flop, j’ai donc à présent une concentration convenable de couleurs. Dans cette situation où il se trouve hors position, la range de l’adversaire implique de checker régulièrement.
Bien qu’il soit indéniablement rentable de checker, je décide à présent de transformer ma main en bluff. Mon solver m’informe qu’un check est légèrement préférable à une mise. Cependant, si l’adversaire ne checke/call pas suffisamment de couleurs à la turn et qu’il ne me suit pas avec assez d’overpaires à la river, alors un double-bluff pourrait bien être la meilleure tactique.
Je mise environ la moitié du pot, et l’adversaire se couche.
Quand une carte de la couleur tombe, la value d’une paire diminue. Dans certains cas, une paire peut se retrouver suffisamment bas dans votre range pour être transformée en bluff.